Laboratoire Africain
de Recherches en Cyberstratégie
La « nouvelle route de la soie », rebaptisé « initiative ceinture et route » (en anglais Belt and Road Initiative, avec l’acronyme BRI) est l’un des programmes les plus ambitieux du président chinois Xi Jinping. Prévue pour projeter l’influence géopolitique transformatrice de la Chine à travers le monde, l’ampleur et la portée du projet sont sans précédent. Beijing a consenti 4 000 milliards de dollars d’investissements dans des projets d’infrastructures et de développement dans 65 pays, touchant 70% de la population mondiale et 75% des réserves d’énergie du monde. Le programme est conçu pour relier les principaux centres économiques de l’Eurasie par voie terrestre et maritime, dont beaucoup servaient autrefois à l’ancienne route de la soie il y a deux mille ans.
Selon le magazine d’information The Diplomat, « la BRI a pour objectif de stabiliser les périphéries occidentales de la Chine, de relancer son économie, de propulser des institutions économiques internationales non occidentales, de gagner de l’influence dans d’autres pays et de diversifier les fournisseurs / itinéraires commerciaux tout en contournant le pivot américain vers l’Asie ». Après avoir pris le temps de fabriquer des géants économiques (notamment les BATX dans le domaine numérique), l’empire du milieu par cette initiative les emmènent à la conquête de nouveaux marchés avec dans leurs bagages à la fois le financement et les technologies (5G, câbles sous-marins, système de navigation par satellite, etc.). Nous sommes donc face à une démonstration de la puissance.
Pour pouvoir réaliser cette ambition en gardant une avance sur ses rivaux (principale les Etats-Unis), la Chine mobilise tous les moyens et outils à sa disposition. Dans un rapport adressé à ses clients, l’entreprise FireEye fait état de preuves d’une augmentation des opérations de cyberespionnage liées à la BRI. Ce rapport indique notamment que « L’activité de cyberespionnage liée à l’initiative comprendra probablement l’émergence de nouveaux groupes et acteurs des États-nations. Compte tenu de l’éventail des intérêts géopolitiques touchés par cette entreprise, il peut être un moteur pour les cyber-acteurs des États-nations émergents d’utiliser leurs capacités ».
La BRI vise également à renforcer l’influence géopolitique et économique de la Chine en Afrique, en capitalisant sur les investissements importants dans les infrastructures réalisées sur le continent. Le Kenya en particulier a fait l’objet d’une attention accrue en raison de sa situation géographique stratégique, notamment pour la composante maritime de cette nouvelle route de la soie chinoise (connue sous l’appellation China’s Maritime Silk Road Initiative – MSRI).
Au début de l’année 2018, le Kenya a annoncé qu’il ferait du lobbying pour des projets régionaux dans le cadre de la nouvelle route de la soie. C’est d’ailleurs dans cette optique que la Chine a ainsi financé la construction d’un chemin de fer à écartement standard de 480 km entre la ville portuaire kényane de Mombasa et sa capitale Nairobi. D’après le plan, ce chemin de fer devrait éventuellement s’étendre aux pays voisins tels que l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi afin de les relier au port de Mombasa. Cependant, en mai 2018, le Kenya a annoncé qu’il ne signerait pas l’accord de libre-échange en cours de discussion entre la Chine et les États de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), ce qui aurait entraîné des tensions entre Beijing et Nairobi.
La route de la soie numérique en action !
C’est dans ce contexte qu’entre en jeu, au-delà des aspects publics du projet BRI (tels que les infrastructures routières, chemins de fer, voies maritimes), un autre volet plus subtil mais tout aussi important dans le dispositif global de ce programme d’envergure : il s’agit de la “Digital Silk Road” ! En effet, le plan directeur du projet BRI rendu public en 2015 évoque la création « d’une route de la soie de l’information » comme un des piliers majeurs pour la réussite de cette aventure. L’idée est de s’appuyer sur les géants industriels chinois pour améliorer la connectivité numérique tout au long de la route (et même au-delà) par la mise en place des infrastructures de télécommunication telles que l’installation des câbles à fibre optique transcontinentaux (on peut par exemple citer le cas de Huawei Marine Networks Co, qui a posé un câble de 6 000 kilomètres entre le Brésil et le Cameroun), la construction des centres de données (data centers) et des villes intelligentes (smart cities), le développement des services en ligne, etc.
L’ambition de puissance et d’influence qui caractérise cette initiative repose donc aussi sur l’outil cyber, et elle (cette ambition) reste intacte même dans le cyberespace. Le président Xi Jinping l’a d’ailleurs réaffirmé en 2017 lors du tout premier forum sur le projet BRI à Beijing, en insistant sur la nécessité d’accélérer l’intégration des technologies innovantes dans son implémentation.
C’est donc sans surprise que…
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