Strategies africaines de transformation numeriques: entres limites et ambitions

Par DJIMGOU NGAMENI 23 avril 2021

Avant de commencer à m’intéresser de très près aux questions relatives à la transformation numérique en Afrique, j’étais comme beaucoup de professionnels africains qui parfois à l’occasion des colloques et autres séminaires jugés trop coûteux et non productifs, se plaignaient que la plupart de nos gouvernements étaient plus dans une logique de discours et d’affichage, mais manquait de réelle stratégie à moyen/long terme sur le sujet. De plus, jusqu’avant le lancement officiel en 2017 de l’extension des noms de domaine « .africa », l’idée répandue était aussi qu’il n’existe aucune vision / stratégie concertée des pays Africains pour amorcer ensemble la transformation digitale sur le continent.

 

A l’analyse, il convient d’indiquer que non seulement plusieurs pays ont déjà élaboré leur « plan national du numérique », mais aussi que ces plans s’inscrivent dans une vision plus globale à l’échelle du continent. La plupart de ces plans n’ont malheureusement pas beaucoup avancés dans l’implémentation depuis leur annonce officielle, et restent discutable sur le fond car parfois élaborés dans la précipitation, pour satisfaire des besoins de communication politique (cas du plan numérique de la RDC en 2020) !

 

On peut cependant objectivement constater que comme partout ailleurs dans le monde, plusieurs dirigeants africains se sont rendu compte que les technologies de l’information et de la communication jouent et continueront de jouer un rôle fondamental dans l’évolution socio-économique de l’Afrique. Ils sont désormais conscients que l’Afrique ne peut pas se permettre d’être à l’écart des opportunités que l’économie de la connaissance apporte. Cela les pousse à vouloir tirer parti des progrès déjà enregistrés dans les projets de connectivité (développement des infrastructures à large bande à travers le réseau de fibre optique intra et inter continental). Ainsi, on remarque que l’ambition commune qui se dégage de ces plans est d’utiliser la technologie pour réduire la pauvreté, renforcer la participation des citoyens à la vie publique, améliorer la prestation des services et créer de la prospérité pour leur population.

 

C’est pourquoi ces chefs d’État et de gouvernements se sont engagés à soutenir la mise en œuvre et l’utilisation optimale des technologies de l’information et de la communication, au service de la transformation socio-économique de leur pays et du continent. Cette volonté affirmée des dirigeants se matérialise par l’adhésion de plusieurs pays africains à un projet panafricain permettant de mutualiser leurs ressources afin de réaliser plus efficacement l’objectif de transformation partagée à l’échelle continentale. L’ambition est donc globale, concrète et palpable.

 

La première initiative panafricaine de transformation numérique

 

« Smart Africa », puisque c’est de cela qu’il s’agit, est un engagement audacieux et novateur qui vise à apporter la part de l’Afrique dans l’économie de la connaissance, à accélérer son développement socioéconomique durable et catalyser l’innovation technologique, grâce à l’utilisation intelligente des TIC. Regroupant aujourd’hui une trentaine d’états membres à travers le continent, il s’agit d’une initiative de l’Etat Rwandais sous l’impulsion de son Président Paul KAGAME, qui en définit lui-même la vision en ces termes :

 

« La prochaine décennie 2016-2025 promet d’être la décennie du développement de l’Afrique par le biais des TIC. Smart Africa est un fruit du Sommet Transform Africa organisé à Kigali en octobre 2013. Le Manifeste Smart Africa, fondation de cette initiative, repose sur 5 principes : Placer les TIC au centre de l’agenda national de développement socio-économique ; Améliorer l’accès aux TIC, en particulier au haut débit ; Améliorer la responsabilité, l’efficacité, et l’ouverture grâce aux TIC ; Donner la priorité au secteur privé ; Tirer parti des TIC pour promouvoir le développement durable. La mise en place de l’initiative Smart Africa témoigne de notre détermination à mettre en place un environnement politique et réglementaire approprié qui encouragera les partenariats, l’esprit d’entreprise, la création d’emplois et le partage des connaissances. Notre transformation vers une économie axée sur les TIC et la connaissance a pour but d’accroître la compétitivité de l’Afrique dans l’économie mondiale. Les TIC ont la capacité de niveler le terrain de jeu mondial, de débloquer le capital humain et d’exploiter tout son potentiel. Le Conseil Smart Africa s’est engagé à diriger ce programme de transformation dans nos pays respectifs. Nos objectifs sont ambitieux mais réalistes et avec notre leadership, notre engagement, notre travail stratégique et le soutien de nos partenaires, je suis pleinement confiant que nous allons bientôt réaliser notre vision des économies modernes et des citoyens riches qui mèneront à un avenir prospère pour l’Afrique ».

 

Paul KAGAME est aujourd’hui encore président du « Smart Africa Board », conseil d’administration de l’organisation en charge de piloter cette initiative panafricaine. Certains des pays membres se sont constitués en pôle de compétence pour porter les grands axes (déclinés en projets phares) de la vision ainsi énoncée. L’Union Africaine s’en est d’ailleurs saisie pour actualiser sa propre vision sur les TIC et proposer une nouvelle stratégie de transformation numérique du continent, en cohérence et en harmonie avec l’ambition ultime de l’initiative « Smart Africa » qui est de transformer l’Afrique en un marché numérique unique…

 

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