Le nom de domaine ".africa" : un fiasco aux enjeux pourtant considérables!

Par DJIMGOU NGAMENI 23 mai 2021

Lors de son 29e Sommet qui s’est tenu à Addis-Abeba en Éthiopie le 3 juillet 2017, L’Union Africaine (UA) a officiellement lancé le nom de domaine “dot.africa”, comme première étape pour la construction de l’identité numérique du continent. Il a été annoncé dans la foulée une campagne de sensibilisation pour inciter les entreprises et institutions africaines à adopter le nouveau nom de domaine africain, « afin de raconter notre propre histoire ».

 

A titre de rappel, pour pouvoir communiquer avec une autre personne ou accéder à un contenu sur Internet, tout internaute doit entrer une adresse unique dans le navigateur de son ordinateur (ou son smartphone), afin que les ordinateurs en communication sachent où et comment se trouver. C’est ce qu’on appelle le “système de nom de domaine”, qui correspond à un simple annuaire contenant d’un côté le numéro unique des machines connectés (adresse IP) et de l’autre le nom que l’internaute saisit pour communiquer avec la machine qu’il souhaite (larc.africa par exemple). Cette fonctionnalité est en général transparente pour l’internaute et gérée par les serveurs de nom de domaine (serveurs DNS).

 

Les enjeux économique et stratégique du système de nom de domaine (DNS)

 

Nombreux sont les acteurs africains du numérique qui avaient accueilli la nouvelle du lancement d’un nom de domaine panafricain avec beaucoup d’enthousiasme. Car beaucoup l’oublient souvent, à l’heure du tout numérique, le nom de domaine est un enjeu stratégique et d’intelligence économique majeur, qui participe à définir les concepts complexes de cyber-territoire et de souveraineté numérique.

 

En effet, au niveau de la couche logique du cyberespace, le volume de noms de domaine actifs peut constituer un élément pertinent pour évaluer le poids de votre présence en ligne [en tant que pays ou continent], mais aussi pour théoriser la notion de « frontières numériques ». L’espace que vous occupez est ainsi proportionnelle au nombre d’utilisateurs des noms de domaine sous votre contrôle (donc plus votre extension est utilisée, plus vous marquez votre identité et d’une certaine façon, votre territorialité dans l’espace cybernétique).

 

Si l’on suit cette logique, il est donc raisonnable de dire que le cyber territoire africain est (au moins de ce point de vue) envahi, car aujourd’hui encore sur près de 527 millions d’utilisateurs actifs d’internet sur le continent (au 31 Mai 2020), le nombre d’extension nationale en utilisation (nom de domaine de premier niveau de type dot.cm pour le Cameroun, dot.sn pour le Sénégal, dot.ci pour la Côte d’Ivoire, etc.) est à peine de 3 millions dans toute l’Afrique. La raison est simple, c’est que la plupart d’internautes préfèrent les extensions “dot.com” ou “dot.net”, et les organisations internationales privilégient le “dot.org” ou encore “dot.int”. Ces noms de domaine très courus sont d’un point de vue technique plus stables, plus fiables et, donc, plus pratiques. Ce qui en plus de leur ancienneté, peut expliquer leur popularité.

 

Paradoxalement, quatre ans après le lancement officiel du domaine “dot.africa”, même les institutions continentales, qui pourtant dans le discours promeuvent l’usage des noms de domaine africains, ne prêchent pas par l’exemple ! C’est le cas de l’Union Africaine (au.int), de l’entité en charge de la transformation numérique du continent (smartafrica.org), la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (cemac.int), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (ecowas.int), etc.  Cette pratique démontre simplement une mauvaise compréhension des enjeux en cours dans le monde sur ce sujet, et pose plus globalement le problème de souveraineté numérique.

 

Pourquoi ? Tout simplement parce que…

 

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