Des origines africaines de la notion de « cyber »

Par DJIMGOU NGAMENI 25 mars 2021

 

De nos jours, on constate un usage massif (et parfois abusif) du préfixe « Cyber » pour tout ce qui renvoie à une action ou une activité dans le cyberespace par le biais d’un appareil électro-numérique. C’est donc un concept sur lequel plusieurs chercheurs ont légitimement porté leur intérêt. Cependant, la documentation existante à ce propos ne me semble pas avoir épuisé la question, notamment en ce qui concerne l’origine étymologique de ce concept.

 

En réalité, la notion de Cyber puise initialement ses origines bien loin de l’informatique et du numérique, dans des concepts qu’on pourrait ne pas soupçonner de prime abord. Avant le cyberpunk ou la cybersécurité, il y avait déjà la cybernétique. Contrairement à ce que l’on peut lire ici et là, ce terme aurait été utilisé pour la toute première fois en 1834 par le mathématicien et physicien français André-Marie Ampère, pour désigner « la science du gouvernement des hommes ». Ce n’est que plus tard en 1948 que la “cybernétique” réapparaît avec une définition plus élaborée dans les travaux du mathématicien américain Norbert Wiener.

 

En effet, à la fin de la seconde guerre mondiale, Wiener fut engagé au MIT dans un programme de recherche consacré à la mise au point de nouvelles formes d’armement, notamment des missiles capables d’atteindre les avions allemands sans pilote bourrés d’explosifs qui causaient d’important dégâts aux troupes anglaises. Pour y parvenir, ce chercheur devait modéliser le comportement d’un pilote se sachant pourchassé, afin de mieux comprendre les mécanismes de décision de l’être humain dans ce type de situation. Il baptisa donc “cybernétique” le domaine scientifique ainsi créé, qu’il définit dans son livre du même titre comme « une vision unifiée des domaines naissants de l’automatique, de l’électronique et de la théorie mathématique de l’information, en tant que théorie entière des systèmes de commande et de la communication, aussi bien chez l’être vivant que dans la machine ».

 

Dans ses ouvrages intitulés “cybernetics” paru en 1948 et “The human use of humanbeings” paru en 1950, Wiener entrevoit déjà des conséquences éthiques et sociales des technologies de l’information, avec l’idée que l’homme et la machine ont des aptitudes similaires de comportements et d’intelligence. C’est là une vision presque prémonitoire qui semble se confirmer aujourd’hui avec certains cas d’usages de l’intelligence artificielle ou du transhumanisme par exemple.

 

À l’origine, le mot cybernétique lui-même dérive du substantif grec kubernētēs / kubernēsis/ Kubernêtikê qui fait référence aussi bien à « l’action de piloter (ou au pilote lui-même) », au « gouvernail », au « gouverneur », et peut même signifier « l’art de la gouvernance ». Puisqu’il est désormais établi que la langue grecque tire ses origines de l’Égyptien ancien [OBENGA, DIOP], il n’est pas absurde de penser que ce soit aussi le cas pour le mot kubernētēs. De plus, quelle que soit la signification retenue pour ce mot (gouvernail, art de gouverner, piloter, etc.), il est tout aussi aisé d’établir que les activités auxquelles cela renvoie ont été menées en premier sur le continent africain (première flotte maritime, premier gouvernement organisé, etc.).

 

L’hypothèse du « gouvernail » comme étymologie du mot cybernétique

 

Prenons le cas du terme « gouvernail », qui dans la littérature actuelle semble se démarquer comme la traduction convenue du mot grec signifiant cybernétique. Un focus sur ce terme « gouvernail » nous renvoie nécessairement à son domaine d’application, à savoir la navigation maritime et la marine dans l’Égypte antique. A ce propos, les travaux de l’archéologue et historien français Chaules Boreux, considérés par les spécialistes comme l’une des œuvres de base de toutes recherches en archéologie navale, illustre clairement notre thèse. D’ailleurs, dans la note critique publiée sur ces travaux en novembre 1927 dans le Journal des Savants, les commandants CARLINI et VIVIELLE le confirment en ces termes :

 

« Il est en effet évident que par l’importance et l’antériorité de sa civilisation, la marine Égyptienne a eu une influence directe sur les marines phéniciennes, grecques et romaines. Se consacrer à son étude c’est donc remonter directement aux origines de la navigation dans le monde. ».

 

Cette même note précise que « Les monuments qui permettent de préciser les détails de cette marine sont des poteries découvertes à Nagada, Diospolis parva, Abydos…portant des dessins jaunes et datant du milieu de la période néolithique. » Voilà qui est limpide !

 

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